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Prévisions : le marché immobilier de 2021 pourrait nous surprendre

Rédigé par Christian Boivin | 25 janvier 2021

L’année 2020 a été mouvementée et le marché immobilier a été propulsé à des sommets. Les ventes ont fortement augmenté et les prix ont bondi dans une très grande majorité de secteurs. Avec les nombreuses mesures d’aide, la baisse des taux d’intérêt et l’intérêt grandissant pour les propriétés créé par la pandémie, la crise économique n’a pas eu les effets négatifs attendus.

L’année 2021 risque de se jouer en deux parties. Lors de la première moitié, la pandémie demeura présente et les mesures d’aide également. Puis, dans la seconde, le gouvernement et la Banque du Canada continueront de soutenir l’économie afin d’engranger une reprise forte, mais devraient tranquillement réduire les mesures de soutien. Ainsi, les séquelles de la pandémie pourraient être davantage visibles.

Une forte demande anticipée pour les marchés immobiliers régionaux en 2021

Trois grands facteurs influencent la demande : les revenus, la démographie et les taux d’intérêt. Ceux-ci seront tous présentés en détail, mais avant toute chose un autre élément a changé la donne avec la pandémie, c’est-à-dire la préférence des consommateurs. Cette variable fluctue généralement très faiblement d’une année à l’autre et est, par conséquent, peu considérée. Mais avec la pandémie, cette dernière a complètement changé le portrait du marché immobilier et devrait continuer de le faire en 2021. Depuis la crise sanitaire, les gens ont passé beaucoup plus de temps dans leur domicile et donc l’importance de celui-ci s’en est accru. Bref, les ménages désirent plus d’espace et sont prêts à payer davantage pour l’obtenir ou encore à s’éloigner des grands centres. L’intérêt pour l’acquisition de propriété, particulièrement les plus spacieuses, s’est accentué ce qui forcément a mis une pression à la hausse sur les prix. Les conséquences de la pandémie sur les préférences des consommateurs en matière de logement continueront de favoriser la demande de maisons et de grands condos et donc les augmentations de prix en 2021 pour ce type de propriété, surtout en région.

Revenu et emploi

La crise sanitaire et la fermeture de plusieurs pans de l’économie ont causé de nombreuses pertes d’emploi. Plusieurs de ceux-ci avaient été recouvrés à la fin de l’été au Québec, mais la montée de la Covid-19 a mené à plusieurs autres fermetures depuis cet automne ce qui limite la reprise. Avec les nouvelles restrictions imposées en 2021, le taux de chômage et les pertes d’emplois risquent de rebondir en début d’année ce qui pourrait nuire à la demande de propriété. Ceci étant dit, les pertes d’emploi n’ont pas nécessairement l’effet attendu sur la demande de logements, surtout lorsque celles-ci sont compensées par des prestations d’aide et concentrées dans les secteurs où les revenus sont plus faibles.

Ainsi, malgré les nombreuses pertes d’emploi en 2020, le revenu disponible des ménages canadiens a bondi, grâce aux mesures d’aide, de 10,6 % au troisième trimestre de 2020 par rapport à la même période en 2019 selon Statistique Canada. Ce gain de revenus explique partiellement la croissance de la forte demande d’habitation depuis le mi-2020. Qui plus est, le taux d’épargne à travers le pays a également augmenté avec la pandémie pour atteindre 14,6 % au troisième trimestre de 2020 relativement à 1,6 % à même période en 2019. Les nombreuses fermetures et l’incertitude ont eu pour effet de limiter les dépenses des consommateurs et accroître l’épargne de précaution. Ainsi, plusieurs ménages commencent 2021 avec plus d’argent dans leurs poches ce qui peut se traduire en une mise de fonds plus substantielle et davantage de possibilités d’achat de propriété. Bref, même si le taux de chômage remontait en début de 2021, les revenus disponibles des ménages pourraient demeurer élevés pour plusieurs et continuer de stimuler la demande d’habitations.

Démographie

La croissance démographique a ralenti dernièrement passant de près de 12 pour mille en 2019 à 8,5 pour mille entre le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2019 selon l’Institut de la Statistique du Québec. La diminution des nouveaux arrivants depuis la pandémie a causé le ralentissement, phénomène qui devrait également limiter les hausses de population en 2021, car l’immigration ne devrait pas reprendre avant la fin de l’année.

Le portrait démographique varie cependant énormément d’une région à l’autre. De manière générale, les grands centres (Montréal, Laval, Capitale-Nationale, Outaouais et Montérégie) ont vu le rythme de croissance de population décliner alors que dans les autres régions, elle s’est plutôt accélérée. En fait, l’immigration réduite a défavorisé davantage les centres urbains que les plus petites régions. Qui plus est, le télétravail et l’enseignement à distance ont permis à plusieurs de quitter les grands centres (ou de ne pas y emménager) pour s’établir plus loin en région.

Les changements apportés par la pandémie ont particulièrement affecté Montréal. L’agglomération est passée de la région affichant le plus haut taux de croissance de population en 2019 (18 pour mille) à un taux parmi les plus faibles, à 2,3 pour mille, en 2020. La faible croissance de population en 2021 devrait continuer à Montréal et la ville demeurera la région la plus négativement touchée par les changements démographiques apportés par la pandémie. Cela devrait limiter les hausses de prix des propriétés sur l’île de Montréal surtout concernant les copropriétés, mais également faire grimper les taux d’inoccupation dans le marché locatif.

Les Laurentides (17,7 pour mille) et Lanaudière (16,6 pour mille) ont affiché les plus importantes augmentations de population. Les hausses se sont accélérées en 2020 pour ces deux régions très recherchées pour leurs grands espaces et leur proximité relative de Montréal. De fortes croissances risquent encore d’être observées en 2021 dans ces secteurs puisque la pandémie sera toujours présente.

Finalement, les régions de l’Estrie, de la Mauricie, de Chaudière-Appalaches, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-îles-de-la-Madeleine ont également vu leur croissance démographique s’accélérer. Dans le cas des deux dernières, cela redonne un peu de vigueur à ces régions qui avaient parfois connu des décroissances de population au cours des quatre dernières années. Les hausses récentes ont donc revigoré le marché immobilier. En 2021, les tendances démographiques continueront fort probablement de favoriser les régions plus éloignées et permettront de maintenir une demande pour les propriétés, un regain qui devrait se poursuivre au-delà de la prochaine année grâce au télétravail. Toutefois, comme plus de terrains sont disponibles dans ces secteurs que dans les grands centres, les augmentations de valeur des propriétés à plus long terme seront limitées, car de nouvelles constructions viendront fort probablement combler la demande.

Taux d’intérêt

En octobre dernier, la Banque du Canada a indiqué vouloir maintenir le taux directeur au plancher jusqu’à ce que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte ce qu’elle ne prévoit pas avant 2023. Pour favoriser de bas taux d’intérêt à long terme, l’institution procède également à un assouplissement quantitatif qui se traduit par un achat de 4 milliards de dollars d’obligations par semaine. L’achat d’actifs par la Banque du Canada devrait se poursuivre en début d’année étant donné le ralentissement économique causé par des mesures plus restrictives instaurées pour contrer la Covid-19. Par conséquent, les taux d’intérêt à long terme devraient rester très bas en première moitié d’année. Au fur et à mesure que l’économie reprendra, la Banque du Canada diminuera ses achats d’actifs, ce qui pourrait se produire dès la fin 2021 si la vaccination connaît les succès espérés. À ce moment, les taux d’intérêt de long terme pourraient remonter tranquillement. Ceci étant dit, pour 2021, les hausses des taux d’intérêt pour des prêts hypothécaires 5 ans à taux fixe, si présentes, devraient être faibles.

Au final, les bas taux d’intérêt continueront de stimuler la demande de propriétés au Québec et de faire grimper les prix en 2021. L’impact positif pourrait toutefois s’estomper vers la fin de l’année si les taux d’intérêt remontent légèrement.

L’inventaire de propriétés sur le marché immobilier restera faible, mais pourrait croître vers la fin de 2021

En décembre 2020, 29 425 propriétés étaient en ventes au Québec sur le système Centris selon les données publiées par l’APCIQ, soit 38 % moins que l’année dernière. La baisse a été causée par une augmentation des ventes tout au long de l’année, mais aussi par une diminution des nouvelles inscriptions. L’année 2021 débute donc avec un petit nombre de propriétés disponibles sur le marché. Cela limite le potentiel de croissance de ventes, mais soutient les hausses de prix. Le faible inventaire affecte principalement le secteur des unifamiliales où le nombre de propriétés à vendre a fondu de 50 % entre décembre 2020 et décembre 2019. Ainsi, après de fortes croissances de prix pour ce type de propriété en 2020, la tendance haussière risque de poursuivre au minimum pour la première moitié de l’année étant donné la faible offre avec laquelle l’année débute.

Du côté de la copropriété, le portrait diffère un peu. Les inscriptions en vigueur ont diminué de seulement 5 % par rapport à l’année dernière et elles sont même en hausse de 18 % dans la RMR de Montréal. Les croissances de prix dans ce secteur devraient donc être plus limitées surtout dans le centre-ville de Montréal où des baisses pourraient être possibles. Toutefois, les copropriétés dans les secteurs de villégiature devraient continuer d’avoir la cote.

Le faible inventaire actuel laisse présager des augmentations de prix pour le début 2021, cependant l’offre risque de fluctuer en cours d’année en fonction des nouvelles propriétés mises en vente. Un regain de l’offre pourrait permettre au marché de reprendre son souffle, toutefois cela pourrait prendre un certain temps avant de voir l’inventaire remonté dans le contexte actuel.

Marché du locatif et des résidences de personnes âgées

Les personnes quittant leur résidence pour aller dans un logement locatif ou une résidence de personnes âgées sont une source de nouvelles propriétés sur le marché. Or, avec la pandémie, plusieurs ont reporté, voire annulé, leur projet d’habiter en résidence ce qui a limité les mises en vente de propriétés, un phénomène qui devrait se poursuivre en 2021. À mesure que la pandémie régresse, certains pourraient reconsidérer le choix de vivre en résidence, toutefois les craintes risquent de demeurer pendant un certain temps pour plusieurs. Certains pourraient opter pour un logement locatif, mais d’autres resteront probablement dans leur propriété ce qui limitera la remontée des mises en vente des propriétés.

Une augmentation des mauvaises créances à prévoir en 2021 ?

Les mauvaises créances ont été très peu nombreuses en 2020 en fort recul par rapport à 2019 grâce aux reports de paiement hypothécaire. Le nombre remonte tranquillement et risque de grimper plus fortement en 2021 ce qui pourrait amener de nouvelles unités sur le marché. Toutefois, l’impact sera probablement mineur puisque la Banque du Canada estimait qu’en septembre dernier plus de 99 % des ménages canadiens ayant profité des reports avaient recommencé à rembourser leur emprunt. Néanmoins, lorsque la crise s’atténuera et que les mesures d’aide s’allégeront, certains ménages pourraient connaître des difficultés et être contraints de vendre (ou de remettre leur clé à leur créancier). Ainsi, quelques unités supplémentaires pourraient se retrouver sur le marché, mais le nombre devrait tout de même être limité et avoir un faible impact sur l’inventaire total.

Pour en apprendre davantage sur les tendances de mauvaises créances, vous pouvez consulter notre étude à ce sujet.

Mises en chantier et nouvelles constructions

Finalement, chaque année le marché immobilier s’accroît grâce à de nouvelles unités sur le marché. En décembre 2020, la SCHL comptabilisait 936 logements en propriété absolue et 922 copropriétés achevées et non écoulées dans les agglomérations et RMR d’au moins 50 000 habitants. Le nombre de propriétés nouvellement construites et non vendues est le plus faible depuis juin 2004 ce qui témoigne d’une offre très basse.

De nouvelles unités devraient s’ajouter en 2021 puisque 5534 logements en propriété absolue et 10 973 copropriétés étaient en construction au quatrième trimestre de 2020 selon les données publiées par la SCHL pour les agglomérations d’au moins 10 000 habitants. Ces nouvelles unités permettront d’absorber une partie de la demande. Dans le cas des propriétés absolues, le nombre en construction est en hausse de 12 % relativement à l’année dernière, mais pour les copropriétés la baisse est de 9 %. Le nombre de copropriétés mises en chantier en 2020 a atteint son plus bas niveau depuis 2002, ce qui limite les capacités d’absorption de la demande pour ce type d’unité.

Ces dernières années, les promoteurs ont plutôt opté pour la construction de logements locatifs. Ceci étant dit, le ralentissement de la demande de logements locatifs pourrait amener à un changement dans le type d’habitation construite au cours de la prochaine année. Ainsi, dans les circonstances, quelques promoteurs pourraient se tourner vers la construction de copropriétés ou même de maisons en rangée, ce qui allégerait la pression dans ces marchés. Cela prendra toutefois du temps avant de s’observer puisque les gros projets de condo ou de propriétés locatives s’étendent généralement sur plusieurs années. Pour l’instant, les mises en chantier de projets locatifs demeurent en hausse alors que ceux de copropriétés continuent leur déclin selon les données du dernier trimestre de 2020.

Bref, les nouvelles propriétés absorberont une partie de la demande, mais cela ne suffira pas à freiner les prix. Le secteur de la construction étant un marché qui bouge lentement, l’adaptation aux changements de la demande ne se produira que sur une longue période. Par conséquent, le nombre d’unités achevées et non écoulées risque de rester bas pour une très bonne partie de 2021 et donc stimuler les hausses de prix.

Quelle force dominera le marché immobilier de 2021 ?

Les ventes de propriétés devraient croître au cours de la première moitié de 2021 relativement à 2020, tandis qu’un recul des transactions est à prévoir à l’automne. En 2020, l’effet rattrapage était très fort en deuxième moitié d’année et les records de ventes ont été largement dépassés. Au total, les acquisitions pourraient être légèrement moins nombreuses que l’année dernière malgré la présence de nombreux acheteurs puisque peu de propriétés seront disponibles sur le marché.

Pour le premier semestre, le pouvoir de négociation des acheteurs sera limité par le faible nombre de propriétés en vente ce qui favorisera les hausses de prix, surtout dans le secteur de l’unifamiliale. Pour la copropriété, dans les secteurs centraux, la croissance des prix devrait ralentir et pourrait possiblement reculer à certains endroits. Au final, la demande globale dans la province demeura forte puisque l’appétit des acheteurs sera encore au rendez-vous considérant que bon nombre d’entre eux n’ont pas été en mesure d’acheter en 2020.

La trajectoire des prix risque d’être plus incertaine vers la fin de l’année. La pandémie devrait tirer à sa fin ce qui implique également une diminution des mesures d’aide et une légère hausse des taux d’intérêt fixes 5 ans. Au cours de l’année 2021, certains ménages pourraient également voir leur situation financière dépérir avec la fin de certains programmes d’aide, les factures d’impôt à payer et l’accumulation des dettes. Bref, un regain de l’inventaire pourrait favoriser une accalmie de la croissance des prix des propriétés tant pour les unifamiliales que pour les copropriétés. Cela dépendra grandement de la stratégie adoptée par le gouvernement pour relancer l’économie à la fin de la pandémie. Ceci étant dit, l’écart de prix entre les régions et Montréal s’est amenuisé au cours de 2020 et cela pourrait se poursuivre lors de la prochaine année puisque le télétravail risque de continuer après la pandémie. Ainsi, à court et moyen terme, les maisons en régions et en banlieue éloignées continueront d’avoir la cote alors que les copropriétés pourraient pâtir en premier si l’économie a du mal à repartir. Au final, les prix poursuivront leurs croissances en 2021, mais l’ampleur de celles-ci devrait être moindre qu’en 2020.